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Vers un nouveau droit fondamental : l’Hospitalité

Stand CIMADE – Les Idées Mènent le Monde – 20 novembre 2022

Marie-Laure Morin était l’invitée de la CIMADE pour le festival « Les Idées mènent le Monde » ce dimanche 20 novembre à Pau.

Marie Laure Morin est juriste, ancienne directrice de recherche au CNRS et ex-conseillère à la Cour de cassation en service extraordinaire. Pendant dix ans elle a été bénévole dans une association d’accompagnement des migrants. Elle est maintenant défenseure des droits à Toulouse.

Devant une petite salle bien pleine, elle a expliqué pourquoi elle avait écrit ce livre « Faire de l’étranger un hôte » et mené cette recherche qui permettrait d’ériger l’hospitalité en droit fondamental.

Les droits des étrangers sont violés

Bénévole à la CIMADE de Toulouse, Marie-Laure Morin a, comme tous les militants, fait ce constat dur et froid : les droits fondamentaux des étrangers ne cessent d’être violés (en France, mais aussi en Europe, et dans tous les pays traversés par les « migrants »).

Le droit au logement est constamment bafoué ou ignoré par les pouvoirs publics, les mineurs ne reçoivent pas la protection qui leur est due, la liberté d’aller et venir, droit fondamental s’il en est, est brimée, limitée sans nécessité ni proportionnalité à quelque but que ce soit.

Comment alors pour ne pas militer seulement « en défensive » mais aussi « en ouverture », en proposant des pistes positives ? Comment faire pour qu’on arrive à raisonner autrement ? « Pour la juriste que je suis, ce n’est pas acceptable : on viole des droits fondamentaux, et il ne se passe rien ! »

La DUDH de 1948

Marie-Laure Morin propose alors de revenir à la source, à la DUDH de 1948 (Déclaration Universelle des Droits de l’Homme ou Droits Humains). C’est en réaction à l’événement terrible que fut la seconde guerre mondiale, et à la découverte des extrêmes d’inhumanité, de déshumanisation (Shoah, camps de concentration, d’extermination, génocides, …) auxquels avaient conduit les totalitarismes du XXe siècle, que se construit l’idée exprimée ainsi par Hannah Arendt : « l’existence d’un droit d’avoir des droits ».

Il faut relire le début du préambule de la DUDH :

Considérant que la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde.

Considérant que la méconnaissance et le mépris des droits de l’homme ont conduit à des actes de barbarie qui révoltent la conscience de l’humanité….

Déclaration UNIVERSELLE DES droits de l’Homme – 1948

La DUDH opère dans l’histoire de l’humanité un saut juridique et anthropologique : il ne s’agit pas seulement de proclamer des droits des citoyens ou des nationaux d’un pays (du fait de leur appartenance à une communauté politique) mais de reconnaitre les droits de chaque être humain, de tout être humain, en tant qu’humain, du fait de sa qualité d’être humain, sans considération de son appartenance ou de sa non-appartenance à telle communauté. La DUDH et la logique des droits fondamentaux sont incompatibles avec toute idée de préférence nationale dans la reconnaissance de ces droits fondamentaux.

Ce que dit aussi ce préambule de la DUDH c’est que le non-respect de ces droits fondamentaux, et donc le non-respect des droits des étrangers menace la paix et la justice et est source de désordres, de désintégration des sociétés, et de conflits mondiaux. Respecter les droits des migrants est un impératif non seulement moral, mais vital pour la stabilité de nos sociétés. C’est une question de solidité de notre état de droit.

« L’Hospitalité est indispensable, parce que la Terre est ronde » (Kant)

Mais sur quel fondement s’appuyer pour garantir et faire respecter ces droits des étrangers qui sont si souvent bafoués, niés, violés ? La fraternité, récemment reconnue comme principe constitutionnel effectif par les plus hautes juridictions françaises peut être un de ces socles, mais il est encore trop restreint. Il faut revenir à Emmanuel Kant qui « déduit un « principe d’hospitalité universelle » de la forme sphérique de la Terre : elle « oblige les êtres humains à se supporter parce que la dispersion à l’infini est impossible, et qu’originairement l’un n’a pas plus de droit que l’autre à une contrée ». Projet de paix perpétuelle (1795-1796)

Mireille Delmas-Marty (1941 – 1922), grande juriste française, a l’idée de faire de l’hospitalité un principe juridique effectif pour qu’il soit le socle solide du respect des droits des étrangers[i]. Marie Laure Morin creuse et travaille cette idée, élabore ce que pourrait être ce nouveau droit fondamental, la façon dont il peut émerger un jour dans le droit (traité international, jurisprudence, mouvements sociaux, …) et comment il permettrait de transformer les politiques migratoires actuelles.

Ce principe juridique pourrait s’énoncer ainsi :

« Conformément au principe d’Hospitalité, toute personne a la possibilité de demander d’accéder sur le territoire d’un autre Etat et d’y être accueillie provisoirement dans des conditions dignes qui assurent le respect des droits et libertés fondamentales, ainsi que la possibilité de demander de s’y installer, sous réserve de décisions contraires, nécessaires, adaptées et proportionnée pour des raisons d’ordre public ou d’intérêt général » [ii]

Une autre politique migratoire est possible

Notre politique migratoire est aujourd’hui une politique de sécurité et d’ordre public qui se trouve entièrement sous la coupe et la dépendance du ministère de l’Intérieur : même les questions de travail, de santé et de nationalité qui dépendaient autrefois d’autres ministères, ont été transférées, pour les étrangers, aux services de la place Beauvau.

De plus il s’agit d’une politique dans laquelle le rôle de l’administration est démesuré. Quasiment tout y est sous le pouvoir discrétionnaire de l’Etat, hors du contrôle du juge judiciaire, seul réel garant des libertés individuelles (article 66 de la Constitution). Et cette politique est aujourd’hui une politique basée sur le soupçon de fraude généralisée. L’étranger, le migrant est d’abord vu par l’administration comme un fraudeur potentiel, beaucoup plus que comme une personne qui a des droits indérogeables.

La bonne nouvelle, c’est que cette « utopie concrète » que présente le livre de Marie-Laure Morin et les idées développées dans cet article, dessine une autre politique qui est possible ! Plus encore : cette politique est déjà expérimentée : c’est celle qui a été mise en œuvre en Europe et en France pour les réfugiés ukrainiens. La directive européenne de 2001, faite initialement pour répondre à la crise du Kosovo, a finalement servi pour les Ukrainiens. Elle aurait pu être mise en œuvre pour les Syriens et pour les Afghans, mais elle ne le fut pas pour des raisons qu’il ne faut peut-être pas trop creuser …

Contentons-nous pour terminer cet article d’encourager à lire le livre de Marie-Laure Morin et de travailler avec ardeur à la proclamation du droit fondamental à l’hospitalité.

Le chemin est clair : travailler à passer d’une politique migratoire sécuritaire à une politque migratoire hospitalière.

Vincent Cabanel


[i] Mireille Delmas-Marty : « Faire de l’hospitalité un principe » (Le Monde , 12 avril 2018) – Voir aussi cette tribune de Etienne Balibar en août 2018. « Pour un droit international de l’Hospitalité »

[ii] Marie-Laure Morin, op.cit. p 111

L’Ocean Viking à Toulon

Le bateau de l’ONG SOS Méditerrannée a enfin pu accoster à Toulon, après plus de 20 jours de mer, qui ont été un véritable calvaire. La France, contrainte et forcée, a fini par céder alors que M.Macron avait en 2018 refusé le bateau « Aquarius » de la même ONG, après un semblable refus de l’Italie.

Tout en se réjouissant de cette décision SOS Méditarrennée en souligne les limites, dans ces trois tweets et leur communiqué de presse :

Toulon : un réel « accueil » ?

L’accueil à Toulon est-il un véritable accueil ? On peut en douter. La fiction de la zone d’attente censément extra-territoriale permet au ministre de l’Intérieur de paraître continuer à jouer un jeu de fermeté pour contrer les cris d’orfraie poussés par la droite et l’extrême-droite du parlement.

Le communiqué interassociatif initié par la CIMADE, l’ANAFE, le GISTI, la LDH et le SAF (entre autres)(1) proteste contre la création d’une zone d’attente  » rendant impossible l’accès des associations habilitées et des élu.e.s de la République, sous prétexte de secret défense, ne permettant pas à des personnes en situation de particulière vulnérabilité d’avoir accès à l’assistance minimale que la loi leur reconnaît. »

Cet article de Mediapart « À peine débarqués, les rescapés de l’« Ocean Viking » sont privés de liberté », décrit bien cette triste réalité de l’accueil de rescapés, fragiles, stressés, dans la zone d’attente bricolée à la hâte par le gouvernement dans le port militaire de Toulon

Et demain ?

De plus alors que la France avait refusé d’autoriser l’Aquarius à accoster dans un port français en 2018, la restriction répétée et soulignée par Gerald Darmanin du « caractère exceptionnel » de cette autorisation d’accoster donnée à l’Ocean Viking ne peut qu’inquiéter. Rien, ou presque, n’a avancé dans les coordinations entre états européens depuis 2018 pour définir et mettre en oeuvre une politique claire au sujet des sauvetages en mer et des accueils dans les pays de première ligne. La France d’ailleurs ne serait-elle pas un pays de première ligne puisqu’elle a un rivage méditerrannéen et plusieurs ports à même d’accueillir ces bateaux ambulances ?

Qu’en sera-t’il alors pour les prochains bateaux de sauvetage de migrants qui chercheront un port ? Reverrons nous à chaque fois les mêmes indécisions, les mêmes jeux de politique, les mêmes débats insanes ? Et ce alors même que cette part des entrée sur les territoires européens réalisées dans ces opérations de sauvetage n’est qu’une part infime (12 ou 14 %) du total des entrées : nombre d’entrées par la mer en Italie viennent des arrivées directes de « small boats  » à Lampedusa ou des opéartions de sauvetage de la marine italienne elle même. Depuis la fin de l’opération Mara Nostrum, rien n’est clair et c’est tragique.

Le nombre de morts en Méditerrannée se situe autour de 25 000 depuis 2015. Et nous tolérons cela ?

Les gouvernements… mais aussi les médias et les opinions publiques

Il a été mentionné plus haut la responsabilité des Etats et des gouvernement européens. Mais ce sont tous nos peuples européens qui doivent faire leur examen de conscience. Et les medias qui forgent l’opinion publique. Est-il acceptable, moralement et rationnellement que des medias organisent tranquillement des débats demandant s’il faut ou non accueillir l’Ocean Viking ? Qui sommes nous devenus pour que de tels débats passent « crème » sur les écrans ? Les réseaux sociaux ont été remplis de torrents d’immondices envers les ONG, accusées d’être les complices des passeurs, contre cette décision du gouvernement acusée de « créer un appel d’air » (notion fumeuse issue des logorrhées de l’extrême droite, et répandue hélas malgré toute absence de preuve de sa réalité)…

Des états cannibales

Eric Fottorino, rédacteur en chef de Le 1 avait déjà signé un texte redoutable et magnifique « La pêche du jour » au sujet de cette criminelle tragédie qui se joue en Méditerrannée et dans la Manche. Dans « C ce soir« , sur la 5, jeudi 9 novembre au soir, il s’exprimait calmement avec une vigueur pourtant inouïe :

« On est devenus des Etats cannibales. Les riches mangent les pauvres. Et comme c’est indigeste, on laisse la mer faire. »

Eric Fottorino
  • (1)
    • Anafé = Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers
    • GISTI = Groupe d’Information et de Soutien aux Travailleurs Immigrés
    • LDH = Ligue des Droits de l’Homme
    • SAF = Syndicat des Avocats de France

Projet de loi immigration/asile : Lettre ouverte à Mme Borne

Plusieurs organisations signent cette lettre ouverte à la première Ministre au sujet du projet de loi sur l’immigration et l’asile (prévu pour début 2023).

Elle est signée par cinq têtes de ponts nationales de groupes locaux du CRDE Solidarité Migrants Pau Béarn

Le Collectif CRDE fait sienne cette lettre et adhère pleinement à son contenu. (les surlignages et mise en évidence sont faites par le CRDE)

Lettre ouverte à la Première ministre au sujet du projet de loi relatif à l’asile et à l’immigration et de la concertation le précédant

Madame la Première Ministre
Mme Elisabeth BORNE
Hôtel de Matignon
57 rue de Varenne
75700 Paris SP 07

Madame la Première ministre,

Le président de la République a récemment confirmé la perspective d’un nouveau projet de loi sur l’asile et l’immigration pour début 2023. Vous avez demandé au ministère de l’Intérieur d’organiser une concertation préalable avec différents représentants de partis politiques, partenaires sociaux, associations et acteurs de la société civile.

C’est dans ce contexte que nos associations s’adressent à vous pour porter à votre connaissance plusieurs points qui nous apparaissent essentiels.

Nous souhaitons, avant toute chose, vous signifier notre inquiétude face à un énième projet de loi sur ce sujet. En trente ans, plus de vingt textes se sont succédé (le dernier ne datant que de 2018), allant dans le sens continu d’une détérioration des conditions d’accueil et des droits des personnes exilées. Quel est le sens de la poursuite d’une telle inflation législative ?

Nous voulons ensuite vous interpeller quant aux objectifs poursuivis par cette concertation et ce futur projet de loi, et vous signifier que nous ne saurions accepter une démarche fondée sur la stigmatisation et les raccourcis assimilant immigration et délinquance. Il nous semble à l’inverse que la question qui se pose aujourd’hui, dans un monde où, plus que jamais, les migrations constituent notre réalité commune, est celle de dessiner des politiques publiques fondées sur l’accueil et la solidarité, garantissant le respect de la dignité et des droits fondamentaux des personnes exilées.

C’est pourquoi cette concertation ne saurait être pilotée par le seul ministère de l’Intérieur mais devrait être conduite dans un cadre interministériel. Nous estimons problématique que la politique migratoire ait été réduite, au fil des années, à une dimension strictement sécuritaire. C’est aussi le sens des conclusions de la commission d’enquête parlementaire pilotée par Sébastien Nadot et Sonia Krimi, dont le rapport a été rendu public le 10 novembre 2021 [1]. La question de l’entrée et de l’accueil des personnes étrangères en France ne peut relever du seul ministère de l’Intérieur et devrait impliquer bien d’autres dimensions comme l’habitat, la santé, la scolarisation, l’éducation, la formation, le travail, la protection des plus vulnérables.

Enfin, cette concertation doit nécessairement impliquer des associations et collectifs composés en majorité de personnes exilées. Les positionnements des associations de soutien aux personnes exilées – qu’elles soient opératrices en matière d’accueil ou non – sont connus car elles sont auditionnées à l’Assemblée nationale ou au Sénat et parfois reçues à haut niveau par des membres du pouvoir exécutif. Ces associations ont aussi accès à des plateaux de télévision et à la radio, et leurs tribunes sont publiées dans les médias. En revanche, les personnes directement concernées par les politiques migratoires sont souvent absentes de ces espaces de débat et ont du mal à se faire entendre. Elles doivent pouvoir prendre pleinement part à la construction des politiques publiques qui les concernent en premier lieu.

Telles sont les considérations, essentielles à nos yeux, que nous vous demandons de prendre en compte.

Veuillez recevoir, Madame la Première ministre, l’expression de notre haute considération.Paris, le 4 novembre 2022


Signataires :

  • Jean-Claude Samouiller, Président d’Amnesty International France
  • Alexandre Moreau, Président d’Anafé
  • Damien Carême, Co-président d’ANVITA
  • Aude Le Moullec Rieu, Présidente d’ARDHIS
  • Hélène Ramajo, présidente de Causons
  • Sylvie Bukhari-de Pontual, Présidente du CCFD–Terre solidaire
  • Henry Masson, Président de La Cimade
  • Valérie Fayard, Directrice générale par intérim d’Emmaüs France
  • Christophe Robert, Directeur général et porte-parole de la Fondation Abbé Pierre
  • Vanina Rochiccioli, co-Présidente du Groupe d’Information et de Soutien des Immigré·e·s
  • Philippe Dupourqué, Président de Groupe Accueil et Solidarité Guillaume Rossignol, Directeur de JRS France
  • Noémie Marchyllie, co-Directrice de Kabubu
  • Patrick Baudouin, Président de la Ligue des Droits de l’Homme
  • Bruno Tesan, co-Fondateur de LTF
  • Bchira Ben Nia, Porte-parole de la Marche des Solidarités et de Coordination Sans Papiers 75
  • Dr Florence Rigal, Présidente de Médecins du Monde
  • Cécile Duflot, Directrice générale d’Oxfam France
  • Oriane Sebillotte, co-Présidente de Paris d’Exil
  • Agnès Antoine, co-Présidente de Tous migrants
  • Yann Manzi, Délégué général d’Utopia 56
  • Rudi Osman, Directeur de l’Union des étudiant.es exilé.es
  • Camila Rios Armas, Directrice d’UniR
  • Clémence Tondut, Présidente de Watizat
  • Flora Vidal Marron, Directrice de Weavers
Voir le dossier GISTI consacré au nouveau projet de loi asile et immmigration

[1Rapport d’enquête n°4665 de Mme Sonia Krimi et M. Sébastien Nadot sur les migrations, les déplacements de populations et les conditions de vie et d’accès au droit des migrants, réfugiés et apatrides en regard des engagements nationaux, européens et internationaux de la France, Assemblée nationale le 10 novembre 2021

Le démographe, le plombier et le policier.

Le 15 septembre dernier, le président Macron a prononcé à l’Elysée un long discours devant le corps préfectoral.

Dans ce discours, M. Macron a annoncé un nouveau texte de loi sur l’immigration pour début 2023. Cela ne sera jamais qu’une loi de plus venant s’ajouter à la vingtaine de lois sur le sujet, votées, promulguées et jamais évaluées depuis une trentaine d’années.

Au cours des 10 mn du discours présidentiel consacré à l’immigration, M. Macron a abondamment convoqué les métaphores de la mécanique des fluides, endossant ainsi un costume de plombier, avant de se muer en démographe mêlant répartition des étrangers réfugiés ou demandeurs sur le territoire national avec l’aménagement du territoire pour combler les prochains creux démographiques dont souffriront certaines parties de la France (en gros : la diagonale du vide). mais in fine, c’est le costume du policier qu’il réendossera le plus souvent dans son discours : on sent comme un habitus.

Le plombier et la mécanique des fluides de l’immigration

Cette métaphore du fluide pour parler des personnes immigrées est un classique du genre : cette rhétorique a pour effet de déshumaniser ceux dont on parle : ils ne sont plus des individus, des personnes, mais sont rendus indistincts dans un « tout » liquide, menaçant. La rhétorique utilisant ces métaphores de « maîtrise des flux », de « vagues », de « pression » évite d’utiliser le registre métaphorique de l’invasion, tout en le laissant entendre, en évoquant quand même une menace : l’inondation, la submersion, la noyade, le tsunami…. mots dont ne se prive pas l’extrême droite.

On objectera que les notions de « flux » et de « stock » sont utilisées par les démographes. Certes, mais elles le sont dans un registre sémantique de description scientifique, et non dans un registre sémantique politique de « gestion » (gérer les flux, les ralentir, les maîtriser, les contrôler, etc.) : différence énorme.

Quant à la pression migratoire, le concept est flou : un chercheur et économiste suisse, Thomas Straubhaar, resitue ainsi cette notion sujette à caution :

« Résultat de décisions politiques, la pression migratoire apparait quand les pays d’immigration imposent des restrictions à l’admission des étrangers. »

Pour un autre économiste US, Peter V.Schaeffer,  » le concept de pression migratoire traduit l’inquiétude que suscite le contrôle des flux de migrants ».

La pression migratoire n’est pas une grandeur indépendante de notre attitude. C’est notre fermeture à la migration qui créée la pression que déplore le président et contre laquelle il veut lutter … avec encore plus de fermeture. Le plombier voudrait fermer les robinets.

Quand M. Macron pousuit sa mue en démographe, il n’est pas plus convaincant : ce serait la grande innovation de ce discours que de proposer une meilleure répartition des étrangers et exilés sur le territoire national. L’intention paraît louable. Aménagement du territoire ? Plusieurs élus et plusieurs observateurs qualifiés lui ont fait remarquer que la destruction opinâtre des services publics dans les territoires ruraux, dans les petites et moyennes villes, ne créait pas des conditions favorables à l’installation de populations en déshérence. Au demeurant, le volontarisme humaniste de plusieurs élus a précédé M. Macron : dans des endroits ignorés des medias parisiens, des exilés se sont tranquillement installés, bien accueillis par des français beaucoup plus ouverts et intelligents que leurs soi-disant leaders politiques ou médiatiques.

Passons sur le côté opportuniste de la chose : « mettons des migrants là où la natalité est en baisse » comme un palliatif démographique (Michel Debré, en son temps, avait bien « importé » des enfants de l’Île de la réunion en Creuse !!) . Passons sur les atteintes au droit à la libre circulation qui pourraient résulter de ces « assignations à résidence », déguiséés sous de grandes argumentations saint-simoniennes. Passons pudiquement sur ces « glissades » de la « pensée » présidentielle…

Car, en fait, c’est le costume du policier que préfére notre monarque républicain.

Il avait bien comme à chaque fois évoqué l’humanité. Comme un exercice de style obligé, il a expédié la prétendue « humanité » de sa politique en 20 secondes pressées (sur une séquence discursive de 10 mn). Il a bien promis « un effort sur l’hébergement », mais sans le chiffrer surtout (alors qu’il y a un déficit d’au moins 45 000 places correctes rien que pour les demandeurs d’asile, sans compter les MNA, etc.)

L’humanité en 20 secondes chrono

Mais la pointe, la vraie pointe de son discours, c’est l’efficacité revendiquée de sa politique.

Quelle est la mesure macroniste de l’efficacité ? C’est la capacité à expulser. Ce pourrait être la capacité à intégrer. Non. L’important c’est la puissance d’expulsion des irréguliers, décrétés indésirables. Sa préoccupation, c’est avant tout « d’améliorer l’efficacité de nos politiques de reconduite » (aux frontières, à l’extérieur, à l’étranger). Il incite donc les préfets à ne surtout pas renoncer à prononcer des OQTF, à envoyer des gens en CRA.

Et qu’est ce qui amoindrit cette efficacité de l’expulsion (« reconduire, raccompagner ») : la pandémie qui nous a empêché de renvoyer, mais surtout : « notre modèle qui accumule trop de protections, trop de voies de recours« , « notre système d’aide qui est beaucoup trop généreux« . Il faut moins de droits, il faut des procédures moins protectrices. Nous ne sommes pas concurrentiels par rapport aux autres pays européens (dans une Europe gangrenée par l’extrême droite) sur le grand marché de l’expulsion ! Il faut aller plus vite dans les procédures pour « lutter contre ceux qui utilisent » à l’excès (selon Macron) les voies de recours. Lutter contre des humains fragiles, voilà la politique macronienne de l’immigration et de l’asile. Surtout ne pas s’interroger sur la justice, sur les décisions de l’OFPRA et de la CNDA, sur un taux d’acceptation de l’asile extrêmement faible de la France (26 % contre 50 % en Allemagne) en Europe. Ne nous interrogeons pas sur la mise en oeuvre « très partielle » par la France des mesures de répartition européenne des migrants lors de la crise de 2015.

Comment améiorer l’efficacité des expulsions ….

Notre vénéré président réécrit la réalité selon ses voeux : nous serions le « premier pays d’accueil de mouvements migratoires dits secondaires » (après l’arrivée en Grèce, Italie, ou Espagne, les migrants bougent vers d’autres pays : mouvements secondaires). Cest faux, M. Macron. Tout simplement faux. Sur quels chiffres fantaisistes s’appuient ces allégations de fanfaron ? Rien ne nous le dit. Peu importe que l’Allemagne, qui n’est pas un pays connu pour son rivage méditerrannéen, soit championne de l’immigration (François Héran). Ne pas s’interroger non plus sur le rang de la France en matière d’accueil des exilés (15ème ou 16ème rang européen)

L’humanité macronnienne consiste à rabaisser notre générosité, à diminuer les droits, à restreindre les voies de recours…

La voie est ouverte pour la réforme régressive, répressive et réactionnaire que le ministre de l’Intérieur veut infliger au CESEDA (Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers en France et du Droit d’Asile). Nous en reparlerons, parce que nous ne voulons pas avaler cette potion amère.

Vincent Cabanel

Si vous voulez regarder le discours entier de Emmanuel Macron aux préfets, c’est ICI

APPEL à une journée nationale de défense des jeunes exilé.e.s !

Mercredi 5 octobre 2022

Mercredi 5 octobre 2022, à l’appel d’UTOPIA 56 et dans le cadre de la Coordination Nationale « Jeunes Exilé-e-s en danger » se tiendra une journée nationale de défense des jeunes exilé.e.s !

Depuis plusieurs années, nous ne cessons de dénoncer le caractère irrationnel du fonctionnement des départements, juridictions pour mineur.e.s et des préfectures dans le traitement des dossiers des jeunes non accompagné.e.s, majeur.e.s ou mineur.e.s en recours.

Plus de 50 % des jeunes qui passent un entretien d’évaluation aux services MNA (Mineurs non Accompagnés) des départements et/ou métropoles et qui sont refusé.e.s disparaissent dans la nature, ils ont entre 14 et 17 ans !

A titre d’exemple, 90% des jeunes passant devant certains tribunaux pour enfants font l’objet de rejets des demandes de placement en assistance éducative !
Les Cours d’Appel ne font guère mieux, avec par endroits 99,9 % d’entre elles/eux qui se voient débouter de leur demande de reconnaissance de minorité.

Incompréhensible et irrationnel par rapport au 90 % de reconnaissance de minorité par les tribunaux pour enfants dans d’autres régions.

Non-respect de la mise à l’abri en attente d’évaluation, rejets systématiques des juridictions pour enfants aux demandes de mesures d’assistance éducatives, sorties sèches des lieux d’hébergement…

Les parcours divergent, mais les résultats restent les mêmes : à Paris, à Lyon, à Marseille, à Toulouse, des jeunes sont dans la rue, sous des tentes…

Une image contenant texte, extérieur, parapluie, accessoire

Description générée automatiquementPartout ailleurs, des rêves brisés, des jeunes stigmatisé.e.s, abandonné.e.s à leur sort…

Ce 5 octobre 2022, nous voulons dire STOP !
 STOP à la maltraitance,
 STOP aux incohérences,
 STOP à l’errance pour des centaines d’entre eux.
 STOP à la roulette russe selon qu’on soit à Nantes ou Montpellier…

Ce 5 octobre, soyez avec elles/eux, PARTOUT, pour faire entendre leurs voix.
Il en va de notre avenir commun, dans notre société.

Utopia 56  et Coordination Nationale « Jeunes Exilés en danger »

Annulation

La Tribune collective : « MINEURS EN DANGER « 

Il s’appelle J.

Mai 21 

Il s’appelle J. Son grand frère l’a fait sortir de son pays. Il l’a confié à quelqu’un pour le pousser vers l’Europe. Avec une mission. Trouver de l’argent, des médicaments pour sa Maman. Elle est gravement malade et ne peut pas se soigner. Alors, la famille a fait partir le petit J. 

J a dit que l’aventure a été très longue. Il ne savait pas. Il n’a pas tout compris. Il parle français, mais mal, et d’une voix très faible, un murmure. Il garde son visage fermé, presque inexpressif. J est en mission pour sa maman. Personne ici ne parle sa langue maternelle, le wolof.

L’évaluation de J a conclu qu’il mentait, qu’il n’était pas mineur, qu’il avait dit d’autres choses en Espagne. J n’a pas compris ce que les évaluateurs lui ont dit. il a compris de travers pas mal de choses. Forcément, « ils » ne s’assurent pas de la réception de leurs dires.

J’ai demandé à J : « – Combien de fois as-tu vu Mme X. (l’inspectrice de l’ASE qui a signé l’arrêté de fin de mise à l’abri) ? » Il me dit : « -Je ne l’ai jamais vue – Mais c’est elle qui a signé le papier. – C’était par ordinateur. »   

« Par ordinateur ». L’entretien final, celui qui décide de tout, s’est déroulé en visio-conférence, sans interprète en wolof, parce que l’inspectrice était en télétravail. C’est sûr que c’est génial de se faire un avis éclairé sur quelqu’un par visio-conférence….  

J continue de nous regarder avec son beau regard impénétrable. Il est en mission pour sauver sa maman. Il attend. Il nous fait un peu confiance. Un peu. Il vient aux cours de français, aux rendez-vous médicaux. Il appelle pour dire qu’il a faim. Ou quand le 115 n’a pas de place.

J un jour a rencontré chez un bénévole un carreleur. Qui lui a montré le métier et s’est pris d’affection pour J. Il voulait lui faire faire un stage, et pourquoi pas un contrat d’apprentissage.

Mais J n’a pas de carte de séjour, et puis il est mineur, (enfin pas pour le département). Alors le projet de stage qui avait mis le sourire sur les lèvres de J est tombé à l’eau. Et J est reparti, impénétrable, attendre dans les allées du parc Lawrence…

Les puissants et les petits chefs qui tiennent fermées les portes n’ont pas de honte, pas de vergogne, à laisser ainsi à l’abandon ces jeunes êtres humains, nos semblables, nos frères.  

Juin 2021

La journée commence par accompagner J , à l’unité médico-légale pour examen de sa minorité. (Test osseux).

Entretien avec le médecin. En toute illégalité celui-ci montre à P. une série de photos de pénis pour lui demander lequel ressemble le plus au sien.

C’est interdit par le 4e alinea de l’article 388 du code civil : « En cas de doute sur la minorité de l’intéressé, il ne peut être procédé à une évaluation de son âge à partir d’un examen du développement pubertaire des caractères sexuels primaires et secondaires. »

Son avocate lui avait dit de ne pas répondre. Mais J obéit à l’autorité du moment et le médecin était à ses yeux une autorité.

L’expertise médico-légale conclura par un doute, comme souvent, une fourchette d’âge compatible avec les dires de J sur sa minorité.

Août 2021 

J est reconnu mineur par le Juge des Enfants, qui a statué en sa faveur.

5 mois à la rue…  pour rien.

Et il est repris par l’ASE, qui n’avait pas voulu l’accueillir. J est maintenant à l’école. Il a remercié chaque bénévole des associations qui l’avaient aidé pendant cette période.

Quand J a été mis à la rue, la première période de mise à l’abri avait été trop courte pour avoir le temps d’emmener J à la PASS (permanence d’accès aux soins) comme il est de règle : aucun vaccin n’avait été fait, aucun dépistage de la tuberculose, aucun examen de son état de santé. Ce sont les bénévoles de Médecins du Monde et de Humanité Solidaire 64 qui s’en sont préoccupé. Et le personnel de la PASS, soignants et administratifs. J’en profite pour les remercier et saluer leur travail remarquable, leur accueil toujours génial.

Vincent Cabanel

Le sort des mineurs étrangers isolés en France : hypocrisie et absurdité.

Une hirondelle ne fait pas le printemps. Mais c’est un petit signe.

En est-il de même de cette tribune de Jean Arthuis dans Ouest france, ce 12 sept. 2022, (cf. c-dessous en PDF) qui est encourageante pour nos combats.

Jean Arthuis est un monsieur sérieux. Sénateur, ministre, grand argentier, membre et président de multiples instances…. Sa carrière politique de centriste, passé par le Modem, désormais membre de LREM, en fait quelqu’un qui peut avoir l’oreille du prince.

Sa tribune n’est pas un plaidoyer humaniste, c’est une tribune d’homme politique habitué à exercer de hautes responsabilités, pragmatique et voulant être lucide.

Jean Arthuis regarde la réalité en face. Que dit cette réalité ?

Depuis la grève de la faim de Stéphane Ravacley, boulanger de Besançon, en faveur du titre de séjour de son apprenti Laye Traoré, victime d’une OQTF (janvier 2021), de trop nombreuses affaires similaires ont éclaté un peu partout dans l’hexagone. (cf. en fin de page une liste de noms et de lieux avec les liens ad hoc et ici un article du Monde en janvier 2021)

A chaque fois, c’est presque toujours le même scénario : une OQTF pour une raison ou une autre, une mobilisation citoyenne autour du jeune, et parfois après un long combat, le fléchissement du préfet qui finit par accorder le titre de séjour.

Déjà l’an dernier 453 élus avaient signé une tribune le 31 octobre 2021. Le CRDE la relayait sur notre site.

Ces jeunes ne repartiront pas : c’est ce que dit clairement Jean Arthuis. Et il a raison. Inutile de rêver à des politiques de fermeture ou de contrôle plus strict des frontières, inutile de proclamer à l’instar la plupart des ministres de l’intérieur que l’on va augmenter le taux d’exécution des OQTF (Obligation de Quitter le Territoire Français), …

Jean Arthuis fait également justice de la fumeuse rhétorique de l’appel d’air (que les représentants du CRDE ont pourtant encore entendue récemment dans la bouche de responsables de l’administration départementale …). « L’appel d’air a déjà eu lieu du fait de nos législations sociales » que personne ne souhaite réduire (pas M. Arthuis en tout cas dans sa tribune).

La CIMADE

La politique actuelle alimente donc « la fabrique des sans-papiers » pour reprendre une expression de la CIMADE : « Et comme ils n’ont ni les moyens ni l’intention de repartir chez eux, ils se déclarent sans illusions demandeurs d’asile, voués à l’économie parallèle, aux trafics sordides, voire à la délinquance. »

L’hypocrisie des services de l’Etat est à son comble quand une directrice départementale conseille elle-même aux responsables associatifs que nous sommes d’encourager ces jeunes à déposer une demande d’asile, dont elle sait qu’elle est n’a aucune vocation à prospérer, pour pouvoir bénéficier pendant un temps des CMA (Conditions Minimales d’Accueil, destinées aux demandeurs d’asile) … L’Etat encourage à tricher, à utiliser pour autre chose la procédure d’asile, pour pouvoir continuer à faire l’autruche, la tête dans le sable.

La réalité dit aussi que ces jeunes peuvent et veulent s’intégrer, qu’ils peuvent et veulent se former, travailler, qu’ils entrent dans des réseaux de sociabilité où ils se font apprécier, que des citoyens veulent avec force qu’ils restent en France parce qu’ils sont devenus des amis et se mobilisent avec énergie pour eux, que des patrons, des artisans ont besoin d’eux, qu’il y a des places à pourvoir qui sans eux ne seront pas pourvues :

« Partout en France, des postes sont à pourvoir. Autoriser avec discernement les jeunes étrangers dont les parcours d’intégration sont exemplaires et les perspectives d’insertion réelles est un devoir. »

Bien sûr, Jean Arthuis, en bon centriste, nuance ce « devoir » en le pondérant par le « discernement » de l’autorité et « l’exemplarité » du jeune étranger. (on en demande toujours plus aux étrangers qu’aux natifs du pays …) Mais bon ! prenons cette avancée avec satisfaction.

Jean Arthuis va dans le bon sens en tirant cette conclusion logique devant un tel constat.

« Dès lors que ces jeunes ont atteint leur majorité, qu’ils n’ont aucune intention de rentrer chez eux et que nous n’avons pas la volonté, ni les moyens, de les expulser, notre devoir est de leur délivrer un titre de séjour. »

Il faut nuancer pourtant certaines assertions de Jean Arthuis ; Quand il écrit que l’autorité judiciaire est (sous-entendu : toujours) « respectueuse de la présomption de minorité », il se trompe lourdement et c’est là que le bât blesse. Ni les évaluations sociales de l’ASE, ni les évaluations documentaires de la PAF, ni les soi-disant « expertises médico-légales », ni les décisions des juges, ne sont exemptes de reproches, de biais multiples … Et ce quel que soit le département. Les militants qui connaissent bien ces dossiers ont trop souvent le sentiment de loteries injustes.

Par ailleurs, Jean Arthuis a raison de « s’interroger sur les rôles respectifs des départements et de l’État en matière d’accueil et de prise en charge des mineurs étrangers », mais il ne va pas assez loin dans cette réflexion qui mérite d’être approfondie.

De même, il est permis de ne pas le suivre quand il laisse finalement au préfet (représentant de l’Etat) le rôle ultime de décideur en l’’inviter à user de son pouvoir discrétionnaire. Bien sûr, il souhaite pour y inciter les préfets – qui ne sont pas tous dans cet état d’esprit d’accueil – qu’un « signal du gouvernement en ce sens » soit donné.

C’est nécessaire, est-ce suffisant ? On peut penser que non et qu’il serait utile de remettre sur le métier une proposition de loi que le sénateur Jérôme Durain avait introduite en mars 2021 (proposition visant l’intégration des jeunes majeurs étrangers et baptisée « loi Ravacley), mais qui avait été bloquée par la majorité sénatoriale LR.

Je conclue en laissant la parole à un de ces jeunes, qui exprime bien leur ressenti commun :

« Je ne comprends pas, répète Ousmane. On nous aide au départ et ensuite plus rien. C’est comme si on nous faisait monter en haut d’un arbre, et une fois qu’on y est, on le coupe. »

Vincent Cabanel

Une liste rapide de jeunes majeurs victimes d’une OQTF

Cliquez sur chaque nom pour accéder à la pétition ou à l’article sur le mouvement qui l’a soutenu

Il faut changer les dogmes qui commandent la politique migratoire.

Dans cette tribune parue dans Le Monde du 19 juin 2022, (ci-dessous) les responsables nationaux de la Cimade appellent les futurs députés à changer les dogmes et le répertoire sémantique qui sont les soubassements de la politique migratoire de notre pays.

Le répertoire sémantique est connu : imposé par la droite voire l’extrême droite, c’est un vocabulaire de la gestion « de flux » et de « stock » (mais gère-t-on des personnes comme on gère des containers ?), du contrôle policier, administratif ou douanier (mais peut-on contrôler la vie et la mobilité des humains ?), et du soupçon et de la méfiance (contre les fraudeurs, avec souvent des relents de racisme, de discrimination et d’essentialisation des personnes en fonction de certaines de leurs caractéristiques). Mais peut-on fonder une société sur autre chose que sur une confiance principielle ?

Ce registre sémantique traduit des dogmes, qui sont le plus souvent des croyances sans rapport dans la réalité : il en va ainsi de cette croyance selon laquelle il serait possible d’établir un distingo clair entre les « migrants économiques » et les « demandeurs d’asile ». Les premiers « n’auraient pas vocation » à rester en France (on se demande bien de quelle vocation il s’agit ? Sinon d’une décision du prince.). Les seconds, oui. Mais avec des processus inquisitoriaux (au sens très chargé, issu de notre histoire européenne) sévères et extrêmement sélectifs. Ce distingo est en fait un postulat gratuit, sans rapport avec le réel, qui n’a d’autre rôle que de justifier des politiques dures, inhospitalières et inhumaines.

C’est à une inversion du regard, à une conversion du vocabulaire et des politiques que nous convie cette tribune.

Puisse-t-elle être entendue et intégrée par tous nos nouveaux députés.

Vincent Cabanel

Adama va être régularisé !

Mise à jour de l’article mardi 21 juin 14:01 : nous venons d’apprendre par nos amis d’Etorkinekin que la préfecture du 64 a répondu ce matin en leur annonçant la décision d’accorder à Adama une carte de séjour de 1 an, l’autorisant à travailler. Adama va pouvoir reprendre le cours de sa vie normalement et sereinement. Nous nous réjouissons de cette décision.

La fédération Etorkinekin et plusieurs associations de Bayonne – Pays Basque viendront remettre mercredi 22 juin à 11 h au préfet des Pyrénées Atlantiques la pétition ci-accessible en ligne déjà signée par plus de 25 000 personnes.

Retrait de l’OQTF

Retrait de l’IRTF !

Régularisation d’Adama

à l’appel de ATTAC, Bizi Migrants, EELV, EHBai, Ensemble, ETORKINEKIN, Diakité, FSU, La Cimade, LAB, LFI (Bayonne – Pays Basque)

Les associations du CRDE – Solidarité Migrants (Pau-Béarn) seront également présentes et soutiennent la cause d‘Adama Soumahoro.

La situation de ce jeune est d’autant plus scandaleuse que ce gamin avait été reconnu mineur dans le Gers et que c’est la cellule MNA du département 64 qui a refait, motu proprio, une évaluation concluant à sa non-minorité. Le CRDE dénonce une fois de plus les graves dysfonctionnements de cette cellule MNA.

Vincent Cabanel

La pétition en faveur d’Adama

Le lien et le texte de la pétition :

https://www.change.org/p/r%C3%A9gularisation-d-adama

Adama Soumahoro, 20 ans, Ivoirien, est arrivé en France fin 2017. Il a été reconnu mineur dans le Gers mais, faute de places, il a été envoyé dans le département des Pyrénées Atlantiques qui a remis en cause sa minorité.

Dès avril 2018, il a été accueilli et accompagné par Etorkinekin, fédération d’associations du Pays Basque solidaire avec les migrant.e.s.

L’intégration d’Adama sur le territoire hexagonal est manifeste :

Il a fourni les efforts nécessaires pour que son intégration socio-professionnelle soit effective.

De 2018 à 2020, Adama a appris le métier de plâtrier-plaquiste au Lycée Cantau (Anglet) dont il a obtenu le C.A.P. Puis, après une année supplémentaire au même lycée, il a obtenu un C.A.P de peintre.

Il a effectué plusieurs stages chez des employeurs qui ont tous constaté son sérieux et sa volonté de réussir.

Le  6 août 2020, Adama a déposé une demande de titre de séjour et obtenu successivement deux récépissés l’autorisant à travailler jusqu’à fin juillet 2021 mais le préfet a finalement rejeté sa demande en septembre 2021.

Le 8 avril 2022, il a signé un CDI à temps partiel.

Adama a également participé à de nombreuses activités bénévoles, apportant son dynamisme et ses compétences. Dépourvu d’attaches personnelles et familiales dans son pays d’origine, il justifie en revanche  d’un solide réseau de relations sociales au Pays Basque où il vit depuis presque  5 ans.

Tout récemment, le 3 juin 2022, Adama a été interpellé par la police en sortant du CCAS (Centre Communal d’Action Sociale) de Bayonne.

Il a été placé en retenue administrative dans les locaux de la Police Aux Frontières (PAF) à Hendaye. 

Le même jour, le préfet des Pyrénées Atlantiques, sans avoir fait un examen réel et sérieux de la situation d’Adama, lui a notifié un arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai (OQTF), assorti d’une interdiction de retour (IRTF) d’un an et une décision fixant la Côte d’Ivoire comme pays de renvoi, puis a décidé d’une assignation à résidence chez son hébergeur avec obligation de pointage au commissariat deux fois par semaine. Adama se trouve ainsi sous la menace permanente d’être renvoyé, à tout moment, dans son pays.

Une scolarisation réussie, une bonne intégration socio-professionnelle, des liens personnels tissés sur le territoire français, une volonté très forte de s’installer et de vivre ici ne semblent pas suffire à ébranler l’intransigeance des autorités en matière d’accueil et d’insertion. C’est le cas pour Adama comme pour beaucoup d’autres qui ont suivi un  parcours similaire dans l’espoir d’obtenir un titre de séjour et à qui toute possibilité de régularisation est scandaleusement refusée.

Contre ce durcissement des conditions de régularisation, il nous faut nous mobiliser.

 Adama a besoin d’un très large soutien !

Demandons l’abandon des mesures d’OQTF et d’IRTF prise par le préfet des Pyrénées-Atlantiques à l’encontre d’ADAMA et exigeons  sa régularisation !

Des associations interpellent les candidats du Béarn aux législatives

Plusieurs associations du CRDE ont écrit lundi 13 juin aux 8 candidats qui sont en lice après le 1er tour (12 juin) pour le second tour (19 juin) des élections législatives 2022, pour les interpeller sur la politique d’accueil des réfugiés et exilés.

Interpellation d’associations du Collectif pour le Respect des Droits des Etrangers (CRDE) (Pau-Béarn) – Solidarité Migrants / Législatives 2022 / 1ère, 2ème, 3ème et 4ème circonscriptions 

Madame, Monsieur

Vous êtes candidat(e) à la députation dans la (énième) circonscription des Pyrénées-Atlantiques. Les électeurs vous font accéder au second tour des élections législatives et vous serez peut-être député(e) au soir du 19 juin 2022. 

L’accueil des personnes exilées et le respect de leurs droits sont une préoccupation majeure des associations signataires de ce courrier, de leurs bénévoles, adhérents et militants. 

La tribune ci-jointe parue le 26 mai dont la presse s’est fait l’écho, signée par une vingtaine d’associations nationales ou locales ainsi que par des chercheurs et universitaires, recense bien une grande partie de nos constats et des souhaits d’évolution ou de changement de politique que nous appelons de nos vœux et pour lesquels nous agissons. 

Les questions sur lesquelles nous souhaitons vous interpeller et attendons vos réponses sont les suivantes : 

  1. Partagez-vous les éléments de diagnostic de cette tribune, et si non pourquoi ? Notamment sur les constats suivants  
    • Les politiques françaises d’accueil et d’intégration des personnes en demande d’asile et réfugiées sont insuffisantes
    • Les conditions de vie des personnes en demande d’asile et réfugiées sont alarmantes dans plusieurs régions de France. 
    • Le différentiel de traitement entre réfugiés ukrainiens et les autres réfugiés doit faire l’objet d’un « alignement par le haut ».  

       
  2. Si vous êtes élu(e) à l’Assemblée nationale, serez-vous d’accord et travaillerez-vous pour : 
    • faire évoluer le cadre législatif de façon à retirer la possibilité d’interrompre totalement les conditions matérielles d’accueil pour les demandeurs d’asile. 
    • rendre accessibles gratuitement des cours de français financés par l’Etat pour tous les demandeurs d’asile et mineurs non-accompagnés, ce qui n’est actuellement pas le cas. 
    • systématiser le recours à l’interprétariat dans les relations des personnes exilées avec les administrations, les services sociaux et avec les services de police. 
    • autoriser tou·te·s les demandeur·euses d’asile à travailler dès le dépôt de leur demande 
    • voter en urgence l’augmentation de la capacité du parc d’hébergement (urgence, réinsertion sociale et logement social) de plusieurs dizaines de milliers de places 
    • abroger les délais et barrières à l’accès aux soins (délais de carence pour AME et PUMa) 
    • inscrire dans la loi le bénéfice de la présomption de minorité pour les mineurs non accompagnés jusqu’à la décision de justice finale les concernant. 

Les associations signataires sont les associations locales de solidarité avec les migrants, exilés, demandeurs d’asile et réfugiés, ainsi qu’avec les mineurs isolés étrangers, et des groupes locaux implantés en Béarn, d’associations nationales. Elles sont toutes membres du collectif CRDE (Collectif pour le Respect des Droits des Etrangers – Solidarité Migrants) 

Dans l’attente de votre réponse, nous vous prions d’agréer, Madame, Monsieur, l’expression de nos salutations les meilleures. 

Les associations signataires : Bienvenue 64 ; la Cimade ; CCFD Terre Solidaire ; FIA – Service Inter Migrants ; Haut Béarn Solidaire ; Humanité Solidaire 64 ; Ligue des Droits de l’Homme ; Médecins du Monde ; MRAP ; Piémont Oloronais Urgence Réfugiés ; Secours Catholique ; Solidarité Exil