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Prise de parole CRDE au rassemblement « Deuil et Colère »

Samedi 8 juillet 2023 – Mairie de Pau – 10 h 30

Il n’y avait pas de vidéo ce 14 juin à Angoulême : deux semaines avant l’assassinat de Nahel, un policier avait abattu Alhoussein Camara[1]. Même schéma que pour Nahel : un refus d’obtempérer, dit la Police. Alhoussein était arrêté à un feu rouge. Il n’y avait pas de témoins. Il ne reste que la version de la police. Mais dit-elle vrai ? Alhoussein était un jeune de 19 ans, guinéen, un mineur étranger isolé devenu majeur, titulaire d’un CAP, et du permis B . Il se rendait à son travail ce matin-là. Il n’est jamais arrivé. Ses amis, son entourage ne comprennent pas : Alhoussein était un jeune sans problème, sans casier, en train de s’intégrer paisiblement en France.

Alhoussein était étranger. Nahel était français.

« Oui mais Français comment ? » Cette question atroce, odieuse, insupportable a été posée en public par une sénatrice LR à propos des jeunes révoltés interpellés. Bruno Retailleau, sénateur LR, a osé dire mercredi dernier : « Certes, ce sont des Français mais ce sont des Français par leur identité. Et, malheureusement, pour la deuxième, la troisième génération, il y a comme une sorte de régression vers les origines ethniques ».[2]

« Ce sont des Français MAIS … » Ce Mais, c’est le retour du refoulé raciste colonial. Ce racisme structurel, systémique, qui – au-delà des attitudes individuelles – imprègne encore les piliers et les murs de nos institutions, de notre Etat, de notre Police. Ce racisme qui assigne certains Français comme Nahel aux origines de leurs ascendants, mêmes lointains.

Ce racisme a pour conséquence le traitement policier des quartiers QPV,
autant que le traitement sécuritaire et policier de l’immigration.

Il en est ainsi de la gestion des frontières où se déroulent de trop nombreuses violences policières. Ce sont les refoulements illégaux d’étrangers aux frontières, par des policiers. Ce sont les migrants qui meurent dans la Bidassoa ou sur les rails du Pays basque pour échapper à la Police.
C’est Calais, avec les forces de l’ordre qui délogent les migrants de leurs camps de fortune, qui volent et détruisent leurs tentes et leurs maigres bagages, qui opèrent de véritables chasses à l’homme[3]. Sur les ordres des ministres de l’Intérieur.

Le CRDE Solidarité Migrants Pau Béarn et ses associations membres (CIMADE, AMNESTY, HUMASOL 64, etc. ) soutiennent les revendications de l’appel d’aujourd’hui « Deuil et Colère ».

  • Nous appelons à en finir avec le racisme systémique qui gangrène encore l’Etat policier et ses institutions.
  • Nous dénonçons la corrélation stigmatisante faite entre immigration et délinquance.
  • Nous voulons une réforme en profondeur de l’institution policière et ses missions aux frontières
  • Nous réclamons une politique d’accueil et d’intégration ample et ouverte fondée sur le principe constitutionnel de fraternité.

Le Collectif pour le Respect des Droits des Etrangers – Solidarité Migrants Pau Béarn


[1] Le Monde – 6 juillet 2023  https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/07/06/a-angouleme-la-mort-d-un-guineen-lors-d-un-controle-de-police-suscite-des-interrogations_6180780_3224.html

[2] Le Monde – 6 juillet 2023  https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/07/06/emeutes-urbaines-la-droite-s-aventure-sur-le-terrain-identitaire-au-risque-de-la-derive_6180880_823448.html

[3] Louis Witter : La Battue – (éd. du Seuil – 2023)

Deuil et Colère

Nahel Merzouk est assassiné le 27 juin 2023 lors d’un contrôle routier à Nanterre.

Alhoussein Camara est assassiné le 14 juin 2023 lors d’un contrôle routier à Angoulême.

Dans les deux cas, les policiers auteurs des tirs ont été mis en examen pour homicide volontaire.

Avec 80 organisations et plus (associations, syndicats, partis), le CRDE appelle à se rassembler samedi 8 juillet à 10 h 30 devant la mairie de Pau, place Royale, pour faire mémoire de ces jeunes assassinés et dire la colère qui est la nôtre, pour demander une refondation républicaine de la Police, la cessation d’une gestion policière de l’immigration et dénoncer le racisme structurel de trop de nos institutions.

M. Darmanin joue avec le feu à Mayotte : opération Wuambushu

Wuambushu signifie « reprise » en mahorais.

Le ministre de l’intérieur Darmanin lance une vaste opération policière à partir de lundi 25 avril 2023 qui vise à renvoyer vers les Comores 10 000 personnes en deux mois. De nombreuses forces de police ont été envoyées sur l’île. Cette opération vise selon M. Darmanin à expulser les délinquant et migrants illégaux. Mais cette opération va avoir des conséquences vraisemblablement dramatiques :

Ainsi cet article de RFI relaie cette situation emblématique :

Certaines familles en particulier vivent déjà dans l’angoisse d’être séparées, écrit notre correspondante (RFI) à Mayotte, Lola Fourmy. Les enfants, en situation régulière, pourraient se retrouver sans l’un de leurs parents arrachés à une vie construite depuis des années sur l’île aux parfums. C’est le cas de Kiyara, 16 ans, une lycéenne de Mamoudzou. C’est une jeune fille brillante, impliquée dans la vie de son lycée et déterminée à devenir avocate. Elle est arrivée des Comores avec ses parents à l’âge de 7 ans. Mais cette année, l’Aïd n’aura pas la même saveur : « On est tous tristes au point qu’on ne va pas fêter l’Aïd normalement parce que tellement cette opération est inquiétante ».

Face à l’opération Wuambushu, elle craint pour ses camarades en situation irrégulière, mais surtout pour son père. Il est désormais clandestin, car les délais d’instruction des demandes sont très longs à Mayotte : « Je suis très inquiète pour lui car je ne sais pas où il sera, est-ce qu’il sera dans un endroit sécurisé ? Est-ce qu’il ne craint pas de se faire tuer parce que, en plus de craindre la police, il y a aussi la violence sachant aussi que la situation à Mayotte n’est pas facile. Qu’est-ce qu’on va faire s’il n’est pas là ? Qu’est-ce qu’on va manger ? Qu’est-ce qu’on va devenir ? Il y a tout un tas de questions que je me pose. »

Au-delà de la peur pour ses proches, Kiyara souffre aussi des clichés sur sa communauté et aimerait changer l’image des immigrés : « Je veux montrer aussi au monde entier les enfants d’immigrés et les immigrés peuvent aussi réussir dans la vie et sûrement aussi développer l’île pour faire des choses bien. »

Comme Kyara, des milliers d’enfants et d’adolescents se retrouveront peut-être séparés de leurs parents par l’opération Wuambushu, validée par le président français Emmanuel Macron en conseil de défense, et qui devrait durer au moins deux mois, selon les informations obtenues par l’AFP de source proche. 
(Source RFI)

Le terrain de jeu expérimental du ministre

Darmanin semble être le seul ministre à se rendre régulièrement à Mayotte dans le 101e département français. Pourtant ce département est le plus pauvre de France, le plus mal équipé en services publics, le plus déshérité (84 % des habitants vivent en dessous du seuil de pauvreté). La pauvreté ne serait-elle justiciable que d’un traitement policier ? A quand la visite d’un ministre de la Santé ou d’un ministre de l’Education à Mayotte ?

En août 2022, dernièrement, 20minutes écrivait :

Gérald Darmanin est à Mayotte pour parler lutte contre l’immigration clandestine, principalement en provenance des Comores voisines. Le ministre de l’Intérieur et des Outre-Mer a ainsi appelé dimanche, à Dzaoudzi, à « lutter contre l’attractivité sociale et administrative » de l’île.

A l’époque Darmanin voulait durcir l’attribution de la nationalité française aux enfants nés à Mayotte.

Effectivement la situation particulière de Mayotte fait que l’immigration venant des Comores y est extrêmement importante : sans doute au moins une dizaine de milliers de personnes par an. Selon l’Insee, près de la moitié de la population de Mayotte ne possède pas la nationalité française, mais un tiers des étrangers sont nés sur l’île. Mayotte compte une population de 310 000 habitants (estimation de 2020).
Mayotte a beau être le département français le plus pauvre, il reste un horizon positif pour les Comoriens des 3 autres îles.
Mayotte est aussi le département le plus jeune de France : plus de la moitié de la population a moins de 17 ans.

Le projet de Wuambushu est d’expulser 10.000 personnes. Supposons que M. Darmanin arrive à ses fins :

  • Le premier écueil est que les expulsés de Mayotte y reviennent sans problème : l’île de Mayotte n’est distante de celle d’Anjouan que de 70 km qui se franchissent régulièrement avec la noria des kwassa-kwassa
  • Le deuxième écueil est que 10.000 personnes sont une goutte d’eau quand on les compare aux 150.000 étrangers dont une grande majorité sont en situation irrégulière : autant dire un coup d’épée dans l’eau.

Pourtant pour arriver à ce résultat incertain , inefficace, insuffisant à résoudre les problèmes de fond, Gerald Darmanin est prêt à déclencher une guerre civile dans les bidonvilles de Mayotte.
L’immigration illégale n’est pas la seule responsable du sous-équipement de Mayotte et de la pauvreté qui y règne. Ni de la délinquance, ni des bidonvilles. La misère engendre de la délinquance, nous le savons au moins depuis Victor Hugo.
Gerald Darmanin prétend traiter un vrai problème (la situation sociale dramatique de Mayotte) avec des œillères et des mauvaises solutions.

Un bref rappel sur la suite d’événements qui nous conduisent aujourd’hui à cette situation

La départementalisation de Mayotte est loin de s’être faite dans des conditions optimales :

  • La rivalité entre les 4 îles des Comores a été vive aux XVIIè et XVIIIè siècles (les « sultans batailleurs ».
  • Mayotte a été vendue à la France par son sultan en 1841, alors que les autres îles sont indépendantes
  • La France établit un protectorat sur l’ensemble des Comores en 1886
  • La consultation de 1975 donne un résultat globalement très favorable à l’indépendance (95 %). Mais le résultat doit il être considéré globalement ou île par île ? Grande Comore, Mohéli et Anjouan sont très favorables à l’indépendance ( à plus de 99 %). Seule Mayotte vote à 63 % contre l’indépendance et pour le maintien du lien avec la France.
  • L’interprétation du résultat de la consultation (qui n’est pas un référendum !) devient donc une pomme de discorde. Les Comores refusent l’interprétation française et réclament la restitution de Mayotte à la République des Comores.
  • En 2009, sous le président Sarkozy, malgré une résolution de l’ONU et l’opposition de l’Union Africaine), un référendum est soumis aux mahorais, qui approuvent à 95 % (participation : 61 %) la transformation de Mayotte en une collectivité unique d’outre-mer (département et région – article 73 de la Constitution)

D’autre solutions

Puisque Mayotte est un département français, il faut le traiter avec tous les droits et égards dus à une parcelle du territoire de la France : investissements, équipements, services publics, … il faut mettre de l’argent et des moyens humains à Mayotte. Il faut sortir de tout ce qui ressemble à une gestion coloniale de Mayotte.

Il faut aussi d’urgence traiter le problème dans sa dimension géopolitique, dans une relation constructive et apaisée avec les Comores : cela ne sera pas forcément facile. Les Comores considèrent toujours que Mayotte leur appartient et relève de leur souveraineté. L’ONU soutient les Comores et considère que la France occupe illégalement Mayotte.

Il faut aussi partager le fardeau : proposer à celles et ceux qui le voudraient de pouvoir gagner la métropole. Répartir le poids de l’immigration si celui-ci s’avère trop lourd pour l’île (ce qui n’est pas certain, tant il n’y a pas de césure culturelle infranchissable entre comoriens des trois autres îles et mahorais)

Pour finir

On peut avoir le sentiment qu’en envisageant seulement une gestion policière de la situation problématique de Mayotte, l’Etat, en la personne de MM. Macron et Darmanin, ne fait rien d‘autre que de proroger une gestion colonialiste de l’île.

Mais de façon plus inquiétante, on peut se demander si cette opération ne pourrait pas aussi constituer aussi une sorte de « banc d’essai » pour une politique musclée de l’expulsion des étrangers en situation irrégulière. Après Wuambushu, verrons nous semblable opération en Guyane, puis un jour en métropole ?

Vincent Cabanel

La France a-t-elle pris sa part dans l’accueil des réfugiés syriens depuis 2015 ?

« La question migratoire doit etre traitée au niveau de l’Union Européenne. » Cette affirmation revient comme une rengaine, dans la bouche de nombreux politiques, de tous bords. Prenons la au sérieux, et demandons nous si la France « prend sa part » dans l’accueil des migrants et réfugiés (au sens large) parmi les pays européens. La France, c’est 13 % de la population europénne (UE) et 15 % du PIB de l’Union. Prendre sa part, de façon responsable, c’est donc accueillir à hauteur de ce rang, en proportion des indicateurs de population et de richesse.

Dans le nouveau livre : « Immigration, le grand déni » (La République des Idées – Le Seuil – 2023 – 13,50€) que vient de publier François Héran, anthropologue, philosophe et démographe, titulaire de la chaire « Migrations et Sociétés » au collège de France, le deuxième chapitre est consacré à cette question. Les pages 42 à 45 traitent des Syriens, Irakiens et Afghans, accueillis en France.

Nous nous appuyons ici sur les chiffres fournis par François Héran pour présenter cet article.

Les origines de la « crise migratoire syrienne »

Il faut d’abord rappeler rapidement les origines de la « crise migratoire syrienne » qui connait son pic en 2015.

De 2014 à 2020 près de 7 millions de Syriens déplacés de leur pays

Comme toujours, l’exil se fait en priorité vers les pays voisins, frontaliers. Les exilés n’ont pas de tapis volant, ni d’accès commode aux visas et transports aériens. L’exil, c’est d’abord l’urgence de sauver sa peau et celle de ses proches. L’exil vers l’Europe pour y demander l’asile ne concerne qu’un syrien sur cinq.

La surprise commence quand on détaille la répartition des demandes d’asile en Europe.

Sur les 1 215 000 Syriennes et Syriens qui déposent une demande d’asile en Europe, la France fait pâle figure : 36 860 demandes en sept ans ! soit 3 % du total européen. En Allemagne : 17 fois plus (645 620 demandes, soit 53 % du total européen)

François Héran applique un simple ratio : si la France prenait sa part des demandes d’asile déposées en Europe par les Syriennes et les Syriens, de façon responsable et équitable par rapport à ses partenaires européens, elle aurait dû accueillir 4 fois plus de demandes qu’elle ne l’a fait réellement.

L’Allemagne, avec le célèbre « Wir schaffen Das » de Mme Merkel (« Nous y arriverons »), a fait plus que sa part. La France : beaucoup moins que sa part.

Comparaison France – Allemagne

Même en tenant compte du fait que l’Allemagne est plus peuplée que la France, le ratio reste largement en faveur de l’Allemagne : l’écart est de 1 à 14 entre les deux pays.

Les beaux discours

Pourtant les dirigeants français, tout en répétant à satiété la sentence initiale de cet article (inscrire la politique d’asile et de la migration dans une perspective européenne), savent très bien invoquer les grands principes : droits de l’homme, responsabilité, solidarité européenne, partage équitable, etc. etc. – et donner des leçons aux autres.

Qu’ils souffrent que nous leur renvoyions la balle.

Conclusion

Vincent Cabanel

APPEL à une journée nationale de défense des jeunes exilé.e.s !

Mercredi 5 octobre 2022

Mercredi 5 octobre 2022, à l’appel d’UTOPIA 56 et dans le cadre de la Coordination Nationale « Jeunes Exilé-e-s en danger » se tiendra une journée nationale de défense des jeunes exilé.e.s !

Depuis plusieurs années, nous ne cessons de dénoncer le caractère irrationnel du fonctionnement des départements, juridictions pour mineur.e.s et des préfectures dans le traitement des dossiers des jeunes non accompagné.e.s, majeur.e.s ou mineur.e.s en recours.

Plus de 50 % des jeunes qui passent un entretien d’évaluation aux services MNA (Mineurs non Accompagnés) des départements et/ou métropoles et qui sont refusé.e.s disparaissent dans la nature, ils ont entre 14 et 17 ans !

A titre d’exemple, 90% des jeunes passant devant certains tribunaux pour enfants font l’objet de rejets des demandes de placement en assistance éducative !
Les Cours d’Appel ne font guère mieux, avec par endroits 99,9 % d’entre elles/eux qui se voient débouter de leur demande de reconnaissance de minorité.

Incompréhensible et irrationnel par rapport au 90 % de reconnaissance de minorité par les tribunaux pour enfants dans d’autres régions.

Non-respect de la mise à l’abri en attente d’évaluation, rejets systématiques des juridictions pour enfants aux demandes de mesures d’assistance éducatives, sorties sèches des lieux d’hébergement…

Les parcours divergent, mais les résultats restent les mêmes : à Paris, à Lyon, à Marseille, à Toulouse, des jeunes sont dans la rue, sous des tentes…

Une image contenant texte, extérieur, parapluie, accessoire

Description générée automatiquementPartout ailleurs, des rêves brisés, des jeunes stigmatisé.e.s, abandonné.e.s à leur sort…

Ce 5 octobre 2022, nous voulons dire STOP !
 STOP à la maltraitance,
 STOP aux incohérences,
 STOP à l’errance pour des centaines d’entre eux.
 STOP à la roulette russe selon qu’on soit à Nantes ou Montpellier…

Ce 5 octobre, soyez avec elles/eux, PARTOUT, pour faire entendre leurs voix.
Il en va de notre avenir commun, dans notre société.

Utopia 56  et Coordination Nationale « Jeunes Exilés en danger »

Annulation

La Tribune collective : « MINEURS EN DANGER « 

Il s’appelle J.

Mai 21 

Il s’appelle J. Son grand frère l’a fait sortir de son pays. Il l’a confié à quelqu’un pour le pousser vers l’Europe. Avec une mission. Trouver de l’argent, des médicaments pour sa Maman. Elle est gravement malade et ne peut pas se soigner. Alors, la famille a fait partir le petit J. 

J a dit que l’aventure a été très longue. Il ne savait pas. Il n’a pas tout compris. Il parle français, mais mal, et d’une voix très faible, un murmure. Il garde son visage fermé, presque inexpressif. J est en mission pour sa maman. Personne ici ne parle sa langue maternelle, le wolof.

L’évaluation de J a conclu qu’il mentait, qu’il n’était pas mineur, qu’il avait dit d’autres choses en Espagne. J n’a pas compris ce que les évaluateurs lui ont dit. il a compris de travers pas mal de choses. Forcément, « ils » ne s’assurent pas de la réception de leurs dires.

J’ai demandé à J : « – Combien de fois as-tu vu Mme X. (l’inspectrice de l’ASE qui a signé l’arrêté de fin de mise à l’abri) ? » Il me dit : « -Je ne l’ai jamais vue – Mais c’est elle qui a signé le papier. – C’était par ordinateur. »   

« Par ordinateur ». L’entretien final, celui qui décide de tout, s’est déroulé en visio-conférence, sans interprète en wolof, parce que l’inspectrice était en télétravail. C’est sûr que c’est génial de se faire un avis éclairé sur quelqu’un par visio-conférence….  

J continue de nous regarder avec son beau regard impénétrable. Il est en mission pour sauver sa maman. Il attend. Il nous fait un peu confiance. Un peu. Il vient aux cours de français, aux rendez-vous médicaux. Il appelle pour dire qu’il a faim. Ou quand le 115 n’a pas de place.

J un jour a rencontré chez un bénévole un carreleur. Qui lui a montré le métier et s’est pris d’affection pour J. Il voulait lui faire faire un stage, et pourquoi pas un contrat d’apprentissage.

Mais J n’a pas de carte de séjour, et puis il est mineur, (enfin pas pour le département). Alors le projet de stage qui avait mis le sourire sur les lèvres de J est tombé à l’eau. Et J est reparti, impénétrable, attendre dans les allées du parc Lawrence…

Les puissants et les petits chefs qui tiennent fermées les portes n’ont pas de honte, pas de vergogne, à laisser ainsi à l’abandon ces jeunes êtres humains, nos semblables, nos frères.  

Juin 2021

La journée commence par accompagner J , à l’unité médico-légale pour examen de sa minorité. (Test osseux).

Entretien avec le médecin. En toute illégalité celui-ci montre à P. une série de photos de pénis pour lui demander lequel ressemble le plus au sien.

C’est interdit par le 4e alinea de l’article 388 du code civil : « En cas de doute sur la minorité de l’intéressé, il ne peut être procédé à une évaluation de son âge à partir d’un examen du développement pubertaire des caractères sexuels primaires et secondaires. »

Son avocate lui avait dit de ne pas répondre. Mais J obéit à l’autorité du moment et le médecin était à ses yeux une autorité.

L’expertise médico-légale conclura par un doute, comme souvent, une fourchette d’âge compatible avec les dires de J sur sa minorité.

Août 2021 

J est reconnu mineur par le Juge des Enfants, qui a statué en sa faveur.

5 mois à la rue…  pour rien.

Et il est repris par l’ASE, qui n’avait pas voulu l’accueillir. J est maintenant à l’école. Il a remercié chaque bénévole des associations qui l’avaient aidé pendant cette période.

Quand J a été mis à la rue, la première période de mise à l’abri avait été trop courte pour avoir le temps d’emmener J à la PASS (permanence d’accès aux soins) comme il est de règle : aucun vaccin n’avait été fait, aucun dépistage de la tuberculose, aucun examen de son état de santé. Ce sont les bénévoles de Médecins du Monde et de Humanité Solidaire 64 qui s’en sont préoccupé. Et le personnel de la PASS, soignants et administratifs. J’en profite pour les remercier et saluer leur travail remarquable, leur accueil toujours génial.

Vincent Cabanel

Des associations interpellent les candidats du Béarn aux législatives

Plusieurs associations du CRDE ont écrit lundi 13 juin aux 8 candidats qui sont en lice après le 1er tour (12 juin) pour le second tour (19 juin) des élections législatives 2022, pour les interpeller sur la politique d’accueil des réfugiés et exilés.

Interpellation d’associations du Collectif pour le Respect des Droits des Etrangers (CRDE) (Pau-Béarn) – Solidarité Migrants / Législatives 2022 / 1ère, 2ème, 3ème et 4ème circonscriptions 

Madame, Monsieur

Vous êtes candidat(e) à la députation dans la (énième) circonscription des Pyrénées-Atlantiques. Les électeurs vous font accéder au second tour des élections législatives et vous serez peut-être député(e) au soir du 19 juin 2022. 

L’accueil des personnes exilées et le respect de leurs droits sont une préoccupation majeure des associations signataires de ce courrier, de leurs bénévoles, adhérents et militants. 

La tribune ci-jointe parue le 26 mai dont la presse s’est fait l’écho, signée par une vingtaine d’associations nationales ou locales ainsi que par des chercheurs et universitaires, recense bien une grande partie de nos constats et des souhaits d’évolution ou de changement de politique que nous appelons de nos vœux et pour lesquels nous agissons. 

Les questions sur lesquelles nous souhaitons vous interpeller et attendons vos réponses sont les suivantes : 

  1. Partagez-vous les éléments de diagnostic de cette tribune, et si non pourquoi ? Notamment sur les constats suivants  
    • Les politiques françaises d’accueil et d’intégration des personnes en demande d’asile et réfugiées sont insuffisantes
    • Les conditions de vie des personnes en demande d’asile et réfugiées sont alarmantes dans plusieurs régions de France. 
    • Le différentiel de traitement entre réfugiés ukrainiens et les autres réfugiés doit faire l’objet d’un « alignement par le haut ».  

       
  2. Si vous êtes élu(e) à l’Assemblée nationale, serez-vous d’accord et travaillerez-vous pour : 
    • faire évoluer le cadre législatif de façon à retirer la possibilité d’interrompre totalement les conditions matérielles d’accueil pour les demandeurs d’asile. 
    • rendre accessibles gratuitement des cours de français financés par l’Etat pour tous les demandeurs d’asile et mineurs non-accompagnés, ce qui n’est actuellement pas le cas. 
    • systématiser le recours à l’interprétariat dans les relations des personnes exilées avec les administrations, les services sociaux et avec les services de police. 
    • autoriser tou·te·s les demandeur·euses d’asile à travailler dès le dépôt de leur demande 
    • voter en urgence l’augmentation de la capacité du parc d’hébergement (urgence, réinsertion sociale et logement social) de plusieurs dizaines de milliers de places 
    • abroger les délais et barrières à l’accès aux soins (délais de carence pour AME et PUMa) 
    • inscrire dans la loi le bénéfice de la présomption de minorité pour les mineurs non accompagnés jusqu’à la décision de justice finale les concernant. 

Les associations signataires sont les associations locales de solidarité avec les migrants, exilés, demandeurs d’asile et réfugiés, ainsi qu’avec les mineurs isolés étrangers, et des groupes locaux implantés en Béarn, d’associations nationales. Elles sont toutes membres du collectif CRDE (Collectif pour le Respect des Droits des Etrangers – Solidarité Migrants) 

Dans l’attente de votre réponse, nous vous prions d’agréer, Madame, Monsieur, l’expression de nos salutations les meilleures. 

Les associations signataires : Bienvenue 64 ; la Cimade ; CCFD Terre Solidaire ; FIA – Service Inter Migrants ; Haut Béarn Solidaire ; Humanité Solidaire 64 ; Ligue des Droits de l’Homme ; Médecins du Monde ; MRAP ; Piémont Oloronais Urgence Réfugiés ; Secours Catholique ; Solidarité Exil 

[TRIBUNE] MINEURES ET MINEURS EN DANGER À LA RUE, IL EST URGENT DE LES PROTÉGER !

Mineures et mineurs en danger à la rue, il est urgent de les protéger !

La période actuelle regorge de discours nauséabonds, politiques et médiatiques, concernant les migrant-e-s, les sans-papiers et les mineur-e-s non accompagné-e-s (MNA). Mais dans les régions, les villages, les quartiers, des collectifs, des associations, des milliers de citoyen-ne-s font vivre au quotidien, par leur solidarité, leur fraternité, une autre réalité.

Nous appelons ensemble à ce que la raison reprenne le pas sur les fantasmes et que l’on revienne sur des données factuelles, notamment sur la réalité vécue par les MNA, et sur les difficultés que rencontrent ces jeunes et leurs soutiens pour faire respecter les exigences de protection liées à leur minorité.

Partout sur le territoire français, se multiplient les situations où la carence des institutions entraîne la mise à la rue, sans droits ni ressources, de mineur-e-s isolé-e-s vulnérables et en danger. Les droits de l’enfant ne se discutent pas, encore moins au profit d’affichages politiciens de “lutte contre l’immigration”.
Le ou la mineur-e migrant-e est avant tout un-e enfant.

Nous demandons que les responsables institutionnel-le-s actuel-le-s et les candidat-e-s aux futures élections législatives s’engagent pour que soient respectés et appliqués :

– la mise à l’abri immédiate de tout-e jeune isolé-e se présentant comme mineur-e, dans les dispositifs de droit commun de la protection de l’enfance (seuls dispositifs habilités à accueillir un-e mineur-e, à même de lui garantir des conditions de vie dignes et un accompagnement socio-éducatif de qualité), les hôtels n’étant pas une solution adaptée ;

– la reconnaissance et le respect de la présomption de minorité, de l’intérêt supérieur de l’enfant et du droit au recours effectif, la prise en charge des MNA par la protection de l’enfance devant être maintenue le temps qu’une décision judiciaire définitive intervienne ;

– le respect du droit des mineur-e-s à bénéficier d’une prise en charge globale et adaptée leur permettant d’accéder à l’ensemble de leurs droits fondamentaux (accompagnement socio-éducatif, financier, juridique, accès à la scolarité, aux soins de santé physique et mentale) ;

– le maintien de la prise en charge au-delà de 18 ans si la situation l’exige (prise en charge via les contrats jeunes majeurs ou autres dispositifs si nécessaire) ;

– la sécurisation de l’avenir, à la majorité, pour les mineur-e-s isolé-e-s étranger-e-s qui passe par la non-remise en cause de leur identité, la reconnaissance de la validité des documents d’état civil de leurs pays d’origine, l’obtention d’un titre de séjour.

Nous demandons notamment le retrait du décret du 30 janvier 2019 sur le fichier d’appui à l’évaluation de la minorité (AEM), qui porte atteinte aux droits des mineur-es non accompagné-es et fait de l’accueil et la protection de l’enfance une question policière, au mépris des droits de l’enfant.

Ainsi que l’a rappelé la Défenseure des droits, il ressort tant de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme que du Comité des droits de l’enfant de l’ONU, un principe selon lequel la personne se déclarant mineure isolée doit être présumée comme telle. De plus, la jurisprudence du Conseil d’Etat comme du Conseil constitutionnel et l’article 375 du code civil impliquent que l’appréciation de l’âge doit être entourée de l’ensemble des garanties nécessaires, et que, dans l’attente de la décision d’un juge indépendant et impartial, la personne puisse être protégée.

C’est pourquoi nous demandons à ce que la présomption de minorité soit inscrite explicitement dans la loi.

Paris, 17 mai 2022

Premiers signataires : Ados sans frontières (Gard), AMIE (Métropole de Lyon), ASTI (Association de Solidarité avec Tou(te)s les Immigré(e)s) – antenne Mâcon (Saöne et Loire), ASTI-Chalon (Saône et Loire), ATPAC Maison Solidaire (Loire), Attac Nîmes (Gard), CAJMA 22 (Côtes d’Armor), Cent pour un pays d’Apt (Vaucluse), Cent pour un Toit-Mâcon (Saône et Loire), CGT Educ 13 (Bouches du Rhône), CGT – PJJ, CNT SO 13 (Bouches du Rhône)
COFRADE, Collectif Chabatz d’Entrar (Haute-Vienne), Collectif 113 (Bouches du Rhône), Collectif jeunes isolés de Moselle (Moselle), Collectif Loire “Pour que personne ne dorme à la rue” (Loire), Collectif Réfugiés du Vaucluse (Vaucluse), Collectif Saint Lois d’aide aux migrants (CSLAM) (Manche), Collectif Solidaire MNA33 (Gironde), Collectif soutiens / migrants Croix-Rousse (Métropole de Lyon), Comede Loire (Loire), Coordination Urgence Migrants (Métropole de Lyon), FASTI, Fédération des Associations de Solidarité avec Tou-te-s les Immigré-e-s, Fédération Education Recherche Culture (FERC-CGT), Fédération Sud Santé Sociaux, Fédération Syndicale Unitaire (FSU), Groupe MNA des Etats Généraux des Migrations (EGM), Itinérance Sud Manche (Manche), Jamais sans toit (Métropole de Lyon), La Cimade, Les Midis du MIE (Paris et banlieue parisienne), Ligue des droits de l’Homme (LDH), Majie – Montpellier Accueil Jeunes Isolés Etrangers (Hérault), Médecins du Monde France, MIE 92 (Hauts de Seine), Min’ de Rien 86 (Vienne), MRAP 84 (Vaucluse), Port d’attache – Granville (Manche), Réfugiés bienvenue Nîmes (Gard), Réseau Education Sans Frontières (RESF) et ses groupes locaux, RIACE France, Roya Citoyenne (Alpes Maritimes), SNUTER-FSU, Solidarité et Humanisme (Loire), Solidarité sans papiers Creil (Oise), SOS Refoulement – Dijon (Côte d’Or), Soutien 59 saint just (Bouches du Rhône), Sud Education 13 (Bouches du Rhône), Syndicat de la Magistrature, Syndicat des Avocats de France, Syndicat National des Personnels de l’Education et du Social à la, Protection Judiciaire de la Jeunesse (SNPES-PJJ/FSU), Tous-tes En Classe -TEC 31 (Haute Garonne), Tous Migrants 73 (Savoie), Tous Migrants – Réseau Hospitalité (Hautes Alpes), Union syndicale Solidaires, Utopia 56 et ses antennes locales.