La Honte, la Mort, la Menace et le Smartphone

La loi de la Honte

La « loi sur la sûreté du Rwanda » votée le 23 avril au Royaume Uni marque une terrible régression pour la plus vieille démocratie d’Europe. Ses dispositions constituent une instrumentalisation politique des plus cyniques de la question de l’immigration.[1]

Que ce soit avec le pacte Immigration adopté par l’Europe, avec les accords interétatiques signés avec la Lybie, la Tunisie, la Mauritanie, la Turquie, etc.,  l’Europe s’engage toujours plus avant dans la voie honteuse de l‘externalisation «  cachez ces migrants que je ne saurais voir ». « Ne faisons pas les choses déplaisantes sur notre propre sol ». Cette politique de l’autruche ne nous fait pas honneur. Hot-spots, centres de rétention aux frontières, sous-traitance à des pays peu regardants en matière de droits de l’homme, et maintenant charters vers le Rwanda … Ce pourrait être risible si ce n’était pas dramatique pour les femmes, les hommes et les enfants qui seront victimes de ces politiques stupides, coûteuses, inefficaces, et par-dessus-tout : inhumaines, odieuses !

La mort dans la Manche

A Wimereux, sur la côte de la mer du Nord, des migrants ont tenté de prendre la mer dans la nuit de lundi 22 à mardi 23  avril et sont décédés. Il y a au moins cinq morts, dont une petite fille de 4 ans.[2]

En 2015, le décès du petit Aylan émouvait toute l’Europe : on se disait : « non, il ne faut pas, il faut mettre en place des secours ». Aujourd’hui tout le monde s’en fout. Les Etats ont arrêté depuis belle lurette d’organiser le secours en mer, qui est de leur devoir, selon le droit international. Ils délaissent ce devoir, et mettent d’innombrables obstacles devant les associations citoyennes qui essaient tant bien que mal de pallier la défaillance des gouvernements européens, lesquels gouvernements n’hésitent pas à criminaliser ces associations qui sauvant notre honneur.

Pourtant ni la loi sur le Rwana, ni les dangers des traversées de la Manche n’arr^teront celles et ceux qui veulent simplement et légitimement une vie meilleure.[3]

Toujours des vies menacées

La traversée d’une mer a-t-elle été réussie que nos gouvernants s’ingénient à « pourrir la vie » de celles et ceux qui bossent, qui essayent de s’intégrer. En France, les menaces d’expulsion pleuvent sur des jeunes que chacun de nous serait fier d’avoir comme enfant, des jeunes au parcours admirable.

Un exemple parmi mille autres, Kélé à Lyon : Arrivé en France à l’âge de 14 ans, Kéletigui Sylla surnommé Kélé, d’origine guinéenne, vit à Lyon depuis 10 ans. Pour tous celles et ceux qui le côtoient, Kélé « force l’admiration par son parcours d’intégration ». Pourtant, depuis le 11 mars 2024, il vit sous la menace d’une expulsion prochaine.

Le média Rue 89 nous fait ce récit[4], qui hélas n’est pas une « erreur » unique, mais une triste habitude répétitive de l’administration préfectorale.

Des prisons sans jugement

Cornebarrieu est un centre de rétention administrative. Une prison sans jugement. C’est à Toulouse à deux heures de chez nous. Plus exactement c’est dans une sorte de no man’s land au bout des pistes de l’aéroport des pistes de Blagnac. Le genre d‘endroit glauque où, à côté des barbelés qui le cernent, il n’y a même pas un embryon de parking pour se garer. Visites découragées.

C’est le plus important centre de rétention administrative (CRA) proche de Pau. On y enferme, sans jugement, au mépris de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (articles 7 et 9)[5] des personnes qui ne causent aucun trouble à l’ordre public et dont le seul tort (qui n’est pas un délit) est d’être étranger et de n’avoir pas de papiers en règle. Un pur délire, un pur scandale, au regard des droits humains fondamentaux.

On comprend que des gens veuillent s’en échapper[6]. Qui d’entre nous ne ferait de même ?

Le smartphone, un instrument de survie

Dans le parcours d’un exilé qui tente de rejoindre une terre d’accueil, le smartphone est un instrument essentiel

Seydou Cissé est un artiste plasticien et réalisateur malien qui vit et travaille à Roubaix. Dans son film documentaire, “Taamaden”, il a recueilli les récits de migrants originaires d’Afrique qui ont bravé la traversée de la méditerranée en restant connectés à leur marabout via leur smartphone.

Cet article parle de son travail, de ses rencontres[7]. Pour nous permettre, ne serait-ce qu’un peu, de comprendre de l’intérieur ce que c’est qu’un vécu migratoire, et le courage, et l’espoir, et l’opiniâtreté qu’il faut pour se lancer dans pareille aventure.

A titre personnel, j’admire les migrants pour ce qu’ils témoignent d’une espérance en marche.

Vincent Cabanel


[1] https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/04/25/royaume-uni-rwanda-la-loi-de-la-honte_6229798_3232.html

[2] https://www.lavoixdunord.fr/1454973/article/2024-04-23/drame-wimereux-au-moins-cinq-migrants-morts-dans-des-tentatives-de-traversees

[3] https://www.huffingtonpost.fr/international/article/expulsion-des-migrants-au-rwanda-la-menace-ne-fera-pas-reculer-les-traversees-par-la-manche-interview_233063.html

[4] https://www.rue89lyon.fr/2024/04/20/lyon-kele-modele-integration-menace-expulsion/

[5] « Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi. »

[6] https://www.ladepeche.fr/2024/04/09/incendie-au-centre-de-retention-de-cornebarrieu-des-degats-et-des-absents-11879927.php

[7] https://france3-regions.francetvinfo.fr/hauts-de-france/nord-0/roubaix/marabout-rituels-et-smartphones-comment-les-telephones-portables-aident-les-migrants-a-surmonter-les-epreuves-des-traversees-dangereuses-2952605.html

Print Friendly, PDF & Email
Je partage

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *