Monsieur TRUMP a ouvert la chasse aux migrants sur le territoire des USA. Parmi les premières mesures qu’il a prise depuis son investiture lundi 20 janvier 2025, ce sinistre personnage s’attaque au droit du sol, a fait arrêter l’application permettant aux demandeurs d’asile de prendre rendez-vous avec l’administration, veut faire enfermer un maximum d’immigrants en situation illégale, veut déclarer l’état d’urgence à la frontière sud avec le Mexique, et veut lancer (il a commencé) ce qu’il a promis être « la plus grande opération d’expulsion de migrants et d’immigrés » de toute l’histoire des USA…
En France, nous avons M. Retailleau. Naguère compagnon de Philippe de Villiers, celui qui fut la triste plume finale de la loi immigration dite « Darmanin » du 26 janvier 2024, se voit pour le moment semble-t-il privé de son jouet que devait être « sa » loi immigration. Il comptait y remettre à l’ordre du jour toutes les mesures retoquées par le Conseil Constitutionnel en février dernier. En l’agrémentant bien sûr de plusieurs « joyeusetés » comme le rétablissement du délit de séjour irrégulier, la prolongation des temps de rétention (sans jugement) en CRA (Centre de Rétention Administrative), le détricotage ou la suppression de l’AME (Aide Médicale d’Etat), etc…
Privé (momentanément ?) de cette loi, pour cause de manœuvres politiques de son Premier ministre tâchant d’amadouer le PS pour éviter la censure lors du budget, M. Retailleau n’en poursuit pas moins son occupation de l’espace médiatique. Après avoir profité de son voyage à Mayotte pour mettre sur le dos de l’immigration irrégulière les malheurs qui frappent cette île (cyclones, mais surtout : négligence de la part de la métropole et des autorités publiques, pauvreté, mal construction, sous équipement, …), Bruno Retailleau s’attaque maintenant à la régularisation des sans-papiers en France.
C’est l’objet de sa circulaire du Jeudi 23 janvier 2025 (disponible en ligne sur Legifrance) sur l’admission exceptionnelle au séjour (AES).
Avec intelligence (non !) ce texte abroge la circulaire de 2012, dite « circulaire Valls », qui avait au moins le mérite de servir de support commun aux différentes préfectures sur tout le territoire national, pour donner des critères un peu objectifs à ces régularisations qui relèvent toutes du pur pouvoir discrétionnaires des préfets. Autant dire : de leur subjectivité et de leur toute puissance. L’arbitraire total.
Avec méchanceté pure (que dire d’autre ?), là où la circulaire Valls demandait 5 ans de présence minimum sur le territoire français, M. Retailleau en demande 7 ! Toujours plus, toujours davantage. Avec cette seule justification :
Enfin, l’expérience (…) fait apparaître que la qualité de l’intégration du demandeur est fortement liée à la durée de sa présence en France. Aux fins de s’assurer d’un niveau d’intégration raisonnable, il convient de proportionner les durées communément retenues dans le cadre des régularisations.
En ce sens une durée de présence d’au moins 7 ans constitue l’un des indices d’intégration pertinent… »
On reste pantois devant une justification aussi stupide : maintenons des gens plus longtemps dans l’illégalité pour leur permettre de s’intégrer. !!!! Allez donc travailler sans papiers, chercher à vous loger sans papiers, socialiser et vous intégrer avec une épée de Damoclès au dessus de la tête !!
Cette mauvaise circulaire de 3 pages est avant tout un coup de comm’ pour que l’on continue à penser que le ministre agit ! Elle ajoute quelques tours de vis (de vice ?) supplémentaires sur le niveau de français requis, les sempiternelles « valeurs de la République » (n’y a-t-il pas la fraternité dans ces « valeurs » ?), l’insistance sur l’interprétation « stricte » des critères, … . Autant de petites choses qui paraissent des riens, mais qui alimentent néanmoins cette « xénophobie d’ambiance » qui gangrène nos élites et contamine notre pays.
Les vilenies xénophobes et inhumaines d’un Trump ou d’un Retailleau n’auront pas tous les effets dont ils se rengorgent. La réalité les rattrapera. Tant les USA que la France ont un besoin vital de l’immigration. Les grands patrons américains auront vite fait de rappeler Trump aux nécessités du business as usual. Et les migrants latinos ou autres, sans papiers et crève misère, resteront indispensables au Capital. Ils reviendront. Mais entre-temps, Trump aura malmené, méprisé, maltraité, chassé, bousculé des vies, fait souffrir et mourir beaucoup trop d’humains.
Comment la France aurait elle un avenir sans apport de population extérieure, sans immigrés, sans migrants ? Avec un taux de 1,62 enfant par femme en 2024 (chiffres INSEE), la France est très en dessous du taux de 2,1 qui serait nécessaire à la stabilité de la population dans le cas d’un solde migratoire nul. Notre économie et le financement de notre modèle social sont également menacés.
Accueillir les étrangers désireux de s’installer en France (outre les demandeurs d’asile), avoir une politique d’intégration bienveillante et très proactive, voilà ce que devraient être les axes et les piliers d’une politique migratoire intelligente.
M. Retailleau énonce en tête de son « texte » que « la voie de l’admission exceptionnelle au séjour (AES) n’est pas la voie normale d’immigration et d’accès au séjour ».
Nous ne pourrions que lui donner raison s’il existait des voies normales et légales d’immigration et d’accès au séjour. Or aujourd’hui, les voies nécessaires n’existent pas.
- La voie de l’asile existe. Même si la France a un taux d’acceptation faible : à peine une demande d’asile sur deux est acceptée aujourd’hui et reçoit une réponse débouchant sur le statut de réfugié. Et il y aurait beaucoup à dire sur les conditions d’accueil des demandeurs d’asile
- La voie du regroupement familial existe : longue et difficile à obtenir, le nombre d’admissions dans ce cadre reste aujourd’hui stable
- La voie des mineurs non accompagnés existe : un MNA pris en charge par l’ASE, formé, et accompagné pourra obtenir une carte de séjour
- La voie des étudiants étrangers existe : mais il est très difficile à l’issue de changer son statut étudiant et en statut de travailleur
Il existe une voie étroite pour venir travailler en France quand on est étranger : obtenir un visa français et une promesse d’embauche adressée à l’étranger par l’employeur français, avant que la personne étrangère n’arrive en France : autant dire que « Ceux qui vont solliciter ces visas sont plutôt des personnes qualifiées qui remplissent les critères demandés » (Matthieu Tardis) c’est-dire des personnes qui obtiendront ce précieux visa et pourront aller en Europe via des routes sûres. Ce profil diffère de celui de personnes sans diplômes, sans ressources, qui se tournent généralement vers la clandestinité pour rejoindre l’Europe.
Comme le dit François Héran « Les chances d’obtenir un visa sont liées à la position sociale, aux ressources, aux réseaux » d’un étranger. (source INFO Migrants)
Bref, depuis que le gouvernement Chirac en 1974 (sous VGE) a fermé la voie de l’immigration de travail, les seules possibilités sont de tenter sa chance dans la voie de l’asile, ou pour les très jeunes gens, dans celle des MNA. Avec le risque fort de se retrouver débouté du droit d’asile, ou de se retrouver débouté de sa revendication de minorité. Dans les deux cas : à la rue et en situation irrégulière.
L’ouverture de vraies voies légales d’immigration et d’intégration par le travail pour toutes et tous, et pas seulement pour les «passeports talents » et pour les élites, est la seule solution.
Et dans l’immédiat : réclamons la régularisation de tous les sans papiers en France.
Vincent Cabanel