De la Circulaire VALLS à la Circulaire RETAILLEAU 

L’admission exceptionnelle au séjour

L’admission exceptionnelle au séjour (AES) est le terme exact la plupart du temps quand le langage commun parle de « régularisation » de personnes étrangères sans papiers.

Le cadre légal de l’AES existe : articles L435-1 à L435-4 du CESEDA (Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers, et du Droit d’Asile). L’article L435-4 est une création de la « loi Darmanin » de janvier 2024[1] : la « fameuse » « régularisation au titre des métiers en tension ».

Mais ce cadre légal est très ténu : l’admission exceptionnelle au séjour a toujours relevé du pouvoir discrétionnaire des préfets. Cet arbitraire préfectoral entraine régulièrement des différences de traitement importantes d’un département à l’autre qui contreviennent au principe constitutionnel d’égalité.

Afin de tenter d’y remédier, la « circulaire VALLS » du 28 novembre 2012[2] avait permis de clarifier les critères d’admission au séjour (AES) sur lesquels les préfets pouvaient fonder leur décision. Cette circulaire ne supprimait pas le pouvoir discrétionnaire, mais permettait de réduire une partie de l’arbitraire en objectivant des critères relativement précis et stables. Malgré toutes ses insuffisances relevées par les associations de défense des étrangers, cette circulaire permettait aux demandeurs d’AES de fonder leur dossier sur des éléments objectifs et reconnus.

Cette circulaire était un vrai texte de réglementation administrative : la longueur (12 pages) le ton, le style, la technicité, la précision, les différenciations de cas, les références légales et réglementaires.

En revanche, et a contrario, la circulaire RETAILLEAU du 23 janvier 2025[3] est un texte plus politique qu’administratif :

  • Sa brièveté surprend : 3 courtes pages, peu de détails, des invitations floues (mais dures) en lieu et place d’un cadre rigoureux et clair.
  • Son style est militaire : invitation à la fermeté, à « recentrer l’AES sur son caractère exceptionnel, strictement entendu »[4], insistance sur les risques de « menace à l’ordre public »,  insistance sur les « valeurs de la République » que l’étranger doit respecter….
  • La fermeté devient dureté avec l’ordre de délivrer systématiquement une OQTF en cas de refus d’AES.
  • La durée de séjour de 7 ans (en situation irrégulière) est indiquée comme un « indice d’intégration pertinent » sur lequel se fonder pour accorder une AES (la « logique » spécieuse de cette affirmation nous laisse songeurs…)
  • Le niveau de langue française requis relève d’une demande de naturalisation, pas d’une demande de titre de séjour : le glissement est dangereux.

En abrogeant la circulaire Valls, la circulaire Retailleau vise très explicitement à renforcer le pouvoir discrétionnaire et l’arbitraire préfectoral, de façon à réduire de façon drastique le nombre d’Admissions Exceptionnelles au Séjour. Ceci se fait en dehors de tout débat démocratique, hors du champ de la responsabilité parlementaire. Pour le CRDE, comme pour de très nombreuses associations, ce texte est une véritable honte et un scandale (cf. notre communiqué du 31 janvier 2025)


[1] LOI n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration

[2] Circulaire NOR : INTK1229185C

[3] Circulaire NOR : INTK2435521J

[4] Sur 3 pages, on compte 14 occurrences du terme « exceptionnel », soit 4 fois plus en proportion que dans la circulaire Valls

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